Marianne Thibault

Pendant environ un mois, j’ai arrêté de parler. Ne communiquant plus que par gestes ou à l’aide d’un carnet, ma présence parmi les autres s’est centrée sur l’écoute, le regard et le rire. Cherchant à l’origine une sorte de parole parfaite, un moyen de ne plus exprimer que l’essentiel, je considérais mes carnets comme des filtres me permettant de recueillir toutes les idées trop complexes pour se passer du langage. Ces paroles, écrites dans l’immédiat pour une conversation, ou développant des réflexions personnelles sur mon expérience, devenaient à mes yeux un matériau indépendant. J’avais envie de pouvoir les déployer pour me rendre compte de leur étendue, de les toucher, plier ou froisser. Je les voyais comme une sorte de voile qui me séparait des autres personnes ou du silence total. En scannant toutes les pages de mes carnets et en les imprimant sur tissu, j’ai créé à partir de ma performance une installation qui rend compte à la fois d’une volonté d’étendre les mots, de les laisser se lire, et de les laisser se perdre et se cacher entre les plis.